L'expression « J'ai le sentiment que...» est utilisée partout : dans les médias, par les politiques, dans nos conversations quotidiennes. Elle semble anodine, une simple manière d'introduire une opinion.
Pourtant, elle cache un glissement subtil du langage qui masque la véritable nature du propos.
Que signifie réellement avoir un sentiment ? Et pourquoi cette formule est-elle si souvent employée là où il ne s’agit en réalité que d’un simple avis ?
Un sentiment, une émotion ou une opinion ? Une confusion linguistique probablement
Un sentiment est un état affectif profond et durable qui intègre la mémoire et l'expérience : l'amour, la solitude, la paix, l'insécurité, la mélancolie, la joie... Un sentiment évolue dans le temps et n’est pas une simple réaction spontannée à un stimuli comme une émotion : la peur, la surprise, le dégoût...
Certains états se retrouvent dans les deux catégories :
Emotion : « Lorsque le chien a sauté sur moi, j'ai eu peur.»
Sentiment : « Chaque fois que je vois un chien, j'ai peur.»
L'opinion, elle, est un jugement fondé sur des éléments rationnels, mais qui peut aussi être influencée par nos émotions et sentiments.
Ce qui est intéressant, c'est que beaucoup de débats naissent du mélange entre opinion et sentiment : une personne peut (faire) croire q'uelle exprime un sentiment alors qu'en réalité, elle exprime une opinion. C'est une pensée contextuelle, souvent argumentée, qui peut changer en fonction des faits.
Vous entendez quelqu'un dire ou vous lisez :
« J’ai le sentiment que cette réforme ne fonctionne pas.»
« J’ai le sentiment que les jeunes ne lisent plus.»
« J’ai le sentiment que la société va mal.»
Ce ne sont pas des sentiments, mais des jugements.
Alors, d’où vient cette habitude ?
Un moyen d’atténuer son jugement
Une manière d’adoucir un propos
Dire « J’ai le sentiment que...» donne une impression de subjectivité, rendant le propos plus personnel et moins affirmatif. Cela évite une confrontation et donne l’illusion d’une approche plus douce et ouverte.
Une protection contre la contradiction
Lorsqu’on dit « Je pense que...» ou « Je juge que...», on s’expose à devoir argumenter. En revanche, « J’ai le sentiment que...» permet de s’abriter derrière une impression : puisque c’est un ressenti, comment pourrait-on le contredire ?
Une illusion de profondeur
Le mot « sentiment » ajoute une charge émotionnelle qui peut donner plus de poids au propos. Une phrase comme « J’ai le sentiment que la société est en crise. » semble plus viscérale et authentique que « Je pense que la société est en crise. »
Mais est-ce vraiment un sentiment, ou simplement une analyse, un avis, un jugement qui se pare d’un vernis émotionnel ?
Bien sûr, il existe des cas où « avoir le sentiment » traduit un ressenti réel, comme lorsqu’on dit : « J’ai le sentiment d’être mal compris. » Dans ce contexte, il s’agit bien d’une perception intime, liée à l’émotion. Mais ces cas sont rares comparés à l’usage détourné du terme, où il masque en réalité un jugement ou une opinion.
L’invisibilisation du jugement, la fuite de la responsabilité
Depuis quelques temps, il y a une tendance à croire que juger est négatif.
Entendez-vous souvent quelqu'un dire : "Je juge que...." ?
Lorsque quelqu'un émet un jugement, a fortiori sur quelqu'un d'autre, trouvez-vous cela normal ou bien ressentez-vous une gêne ?
Le jugement est un engagement personnel qu'il faut assumer et qui peut recevoir son lot de critiques. Mais aujourd’hui, juger est souvent perçu comme quelque chose de négatif, voire d’inacceptable.
Pourquoi ?
D’une part, la confusion entre jugement et condamnation a conduit à assimiler toute forme de jugement à une attaque. D’autre part, les valeurs dominantes encouragent la tolérance et l’acceptation, au point que formuler un jugement clair peut être vu comme un manque de bienveillance, voire comme de la malveillance.
Cette tendance est amplifiée par les réseaux sociaux : des millions de Français y interagissent quotidiennement, mais les outils mis à leur disposition privilégient les réactions positives et émotionnelles. Où est le bouton « Je ne suis pas d’accord » ? L’absence de cet outil montre bien que nous avons peu à peu écarté l’expression du jugement négatif, comme si nous préférions éviter toute confrontation, au détriment de l’honnêteté.
Pourtant, tout le monde juge, et chacun s’auto-juge en permanence, n'est-ce pas ?
Derrière chaque « J’ai le sentiment que...», il y a, bien souvent en réalité, un jugement qui ne veut pas dire son nom.
Dans une société où il est mal vu d’affirmer trop fermement ses opinions, nous avons trouvé des moyens d’adoucir nos jugements.
Mais à force de les masquer, nous perdons en clarté et en responsabilité.
Assumons nos jugements
Et si nous arrêtions d’utiliser des formules vagues ?
Dire « Je pense que...» ou « Je juge que...», c’est être précis, honnête et clair.
Assumer un jugement, ce n’est pas imposer une vérité absolue, c’est prendre la responsabilité de son raisonnement.
Une parole juste ne se protège pas derrière un faux sentiment.
Conclusion
La prochaine fois que vous êtes sur le point de dire « J’ai le sentiment que...», demandez-vous : est-ce réellement un sentiment, ou est-ce un jugement que je n’ose pas assumer ?
Soyons précis, soyons responsables : pensons ce que nous disons, et disons ce que nous pensons.
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Se projeter dans le meilleur, c’est facile. D’ailleurs, le jour du mariage, tout est fait pour que ce soit le meilleur jour de votre vie (jusqu’à la prochaine fête qui coûtera un bras).
L'expression « J'ai le sentiment que... » est utilisée partout. Elle semble anodine, une simple manière d'introduire une opinion. Pourtant, elle cache un glissement subtil du langage qui masque la véritable nature du propos.
L'expression « J'ai le sentiment que... » est utilisée partout. Elle semble anodine, une simple manière d'introduire une opinion. Pourtant, elle cache un glissement subtil du langage qui masque la véritable nature du propos.
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11/02/2025
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