Certaines expressions toutes faites paraissent évidentes, jusqu'à ce qu'on prenne le temps de les déconstruire.
Voici comment une discussion avec un cabinet de recrutement a révélé une absurdité bien ancrée.
L’histoire : un échange professionnel classique… jusqu’au bug
Une personne d'un cabinet de recrutement me contacte pour discuter de mon CV et de mes prétentions salariales. Jusque-là, rien de plus banal.
Sauf qu’au bout de quelques minutes, la recruteuse me lâche :
💬 "Vous devriez revoir vos prétentions salariales à la baisse, elles ne correspondent pas aux moyens de l’employeur."
Petit bug dans mon cerveau. Je réponds simplement :
💬 "Donc ce ne sont pas MES prétentions salariales."
Silence. Elle ne comprend pas.
Mais c’est devenu un réflexe tellement ancré que personne ne remet en question cette contradiction.
Quand les mots n’ont plus de sens
👉 Par définition, mes prétentions salariales sont celles que
j’estime justes, pour moi.
👉 Si elles doivent s’aligner sur les moyens de l’employeur, alors ce ne sont plus
les miennes.
👉 On ne peut pas appeler cela une “prétention” si elle est dictée par l’autre partie.
C’est un non-sens total.
Mais c’est devenu un réflexe tellement courant que personne ne remet en question cette contradiction.
Moralité : ne laissez pas les mots perdre leur sens
✔ On ne négocie pas son salaire en fonction de la capacité de l’autre à payer, mais en fonction de sa propre valeur.
✔ Si vous dites “prétentions salariales”, assumez que c’est bien une prétention, pas une soumission.
✔ Et parfois, une simple reformulation suffit à exposer une absurdité acceptée par tout le monde.
Je n'ai pas été retenu pour le poste.
Evidemment, dans ce genre de situation, il suffit que l'interlocuteur se sente en mauvaise posture pour qu'il transforme son ressenti en un jugement :
out !
Dommage, j'étais ouvert à la négociation.
Analyse
L’expression “prétentions salariales” implique une demande personnelle, non une simple adaptation aux moyens de l’entreprise. Pourtant, cette contradiction flagrante est rarement questionnée.
La réaction de la recruteuse est révélatrice : face à une remise en question d’un schéma établi, beaucoup préfèrent esquiver plutôt que d’admettre l’absurdité. Cet échange illustre parfaitement comment les automatismes de langage influencent les comportements et les décisions.
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Pourquoi accepte-t-on si facilement cette contradiction ?
Peut-être parce qu’on ne la perçoit pas immédiatement… ou par peur de ne pas être retenu. Quand l’enjeu est un poste, on a tendance à éviter la confrontation, même face à une incohérence évidente.
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Est-ce que cela ne traduit pas la difficulté de s'affirmer dans les négociations salariales ?
S’affirmer dès un premier entretien peut être perçu comme un risque. Le candidat craint souvent de passer pour quelqu’un de trop exigeant ou d’intransigeant, alors que c’est précisément à ce moment-là que les bases du futur rapport professionnel se posent.
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Que se passerait-il si tout le monde formulait ses attentes sans se plier aux capacités de l’employeur dès le départ ?
Cela renverserait le rapport de force. Mais un excès de fermeté chez le candidat pourrait aussi créer une impression de rigidité, affaiblissant paradoxalement sa position. Tout est une question d’équilibre entre affirmation et flexibilité.
Et puis, peut-être que ce n'était tout simplement pas le bon recruteur ou le bon employeur pour vous ?
Après tout, un entretien est une rencontre, mais rarement sur un pied d’égalité.
Si le poste concerne un rôle commercial, de négociateur, de manager ou de cadre, l’affirmation de soi devrait être perçue comme une qualité.
Si le poste concerne une fonction plus exécutante, où l’on attend avant tout de la conformité et une exécution sans remise en question, alors cette posture peut déranger.
Mais dans ce cas, la vraie question est : avez-vous envie d’un poste où l’on attend de vous que vous soyez effacé ?