La fierté n'est jamais la satisfaction personnelle de ce que l'on n'a pas fait

Crédits image : freepik

On a tous déjà entendu cette phrase : « Je suis fier de toi ».

Un parent à son enfant, un professeur à ses élèves, un animateur de télévision déclarant à l'antenne : « Nous sommes fiers de l'équipe de France ! »

Mais si on y réfléchit un instant... est-ce bien possible ?
Peut-on être fier de quelque chose que l'on n'a pas fait ?

L'enfant qui revient de l'école avec 19/20 en maths, c'est bien lui qui a fait le devoir, c'est bien à lui que son professeur lui a donné la note.

Si c'est le parent qui est fier et pas l'enfant, ne serait-on pas face à un vol caractérisé de fierté ? Un véritable hold-up émotionnel en toute impunité ! Et l'enfant, travaille-t-il ses leçons et devoirs pour ses parents ?

Le professeur enseigne une matière à ses élèves. S'ils apprennent correctement, c'est grâce à eux. Le professeur peut être fier d'avoir bien enseigné et les élèves fiers d'avoir bien appris.

Le pompon, c'est lorsqu'un animateur embarque ses chroniqueurs, son public, voire toute la France, et déclare à l'écran : « On est fiers de l'équipe de France ! ».

Mais qui a marqué les buts ? Qui s'est entraîné tous les jours pour atteindre le plus haut niveau ? Qui a couru pendant 90 minutes sur la pelouse ?

Ce n'est certainement pas nous, pourtant on nous invite à nous approprier cette fierté collective.

Une confusion entre fierté et admiration

La fierté est, par définition, la satisfaction personnelle d'un accomplissement. Elle vient de l'effort, du travail, de la réussite obtenue à force de volonté et de persévérance. Elle ne peut pas se déléguer.

Or, lorsque quelqu'un dit « Je suis fier de toi », il attribue à lui-même une part du mérite. Il ne le fait pas consciemment, mais il s'approprie involontairement un succès qui ne lui appartient pas.

Un parent peut être heureux du parcours de son enfant, un professeur satisfait des progrès de ses élèves, un supporter enthousiaste devant la victoire de son équipe préférée... Mais dans aucun de ces cas, il n'est à l'origine de l'accomplissement en question. Il peut avoir aidé, encouragé, soutenu, mais l'acte réalisé reste extérieur à lui.

Pourquoi ce glissement de sens ?

Cette expression est un raccourci qui témoigne d'un mélange entre admiration, joie et fierté. Dire « Je suis heureux pour toi", « J'admire ce que tu as fait » ou « Je trouve ça incroyable ! » semble parfois plus fade, moins impliquant. Pourtant, ces formulations sont bien plus justes.

Nous vivons dans une société où le langage reflète des dynamiques inconscientes. Dire « Je suis fier de toi » peut traduire un besoin de reconnaissance par procuration, ou encore une volonté d'appartenance à un groupe. On ne veut pas juste célébrer le succès de l'autre, on veut aussi se sentir partie prenante de sa victoire.

Reformuler pour être plus précis

Si l'on veut être plus précis et éviter cet amalgame, voici quelques alternatives :

🔹 « Je suis heureux pour toi. »
🔹 « J'admire ton parcours. »
🔹 « Tu peux être fier de toi ! »
🔹 « Je trouve ça remarquable ! »

Ces phrases recentrent la reconnaissance sur la personne qui a réellement accompli quelque chose. Elles évitent aussi d'entretenir un langage flou qui pourrait mener à une confusion sur la notion même de mérite.

Un pas vers plus de clarté

Les mots que nous utilisons structurent notre manière de penser. Si nous faisons attention à ces petites formulations automatiques, nous pouvons développer un langage plus précis, plus authentique. Et au passage, redonner à chacun la place qui lui revient dans ses propres accomplissements.

La fierté ne se donne pas, elle se vit. À chacun la sienne !

Et vous, avez-vous déjà utilisé cette expression sans y penser ?
Après cet article, changerez-vous votre manière de le dire ?